Nécropole intérieure

Mon monologue de théâtre pour un comédien, « Nécropole intérieure », a eu l’honneur de faire partie, l’année dernière, des lauréats de l’appel à texte Tout Public lancé par les EAT, Écrivaines et écrivains associés du théâtre.

À ce titre, il est entré dans le dispositif des Jeudis Midis, soit le partenariat entre les EAT et le Théâtre de l’Opprimé, à Paris, pour présenter des mises en maquette des textes lauréats. Il se trouve que c’est « Nécropole intérieure » qui a lancé le bal pour la saison 2022-23, le jeudi 22 septembre dernier.

J’ai eu la chance que mon emploi du temps me laisse le temps de monter à Paris assister à la représentation, même s’il a fallu que je reparte en catastrophe le soir même, en train de nuit, devant jouer dans le Tarn dès le lendemain !

Ci-dessous, quelques photos prises par David Ruellan à l’Opprimé, avec Eric Verdin (lecture), Mia Delmae (sons, guitare, conte et slam) et, à la fin, ma pomme avec Flore Grimaud, la metteuse en scène. Merci à cette brillante équipe qui a disposé de bien peu de temps pour faire jaillir une proposition bluffante.

On se retrouve juste après les photos pour parler un peu du texte…

Résumé du texte :
L’homme qui parle est profondément affecté par la mort de sa fille Sarah, une jeune femme qui vient de se tuer en voiture. Affecté au point qu’il s’installe dans une caravane en bordure de la route, à l’endroit où l’accident a eu lieu. Au départ, il a juste l’intention de lui construire une petite chapelle car il estime que les disparus doivent être honorés à l’endroit où ils sont morts – où leur âme se trouve peut-être encore – plutôt que dans un cimetière. Mais cette idée de monument tourne à l’obsession. Le père en deuil bâtit bientôt un mur pour protéger la chapelle, puis transforme cette chapelle en véritable maison destinée à la morte. Pendant ce temps, au fil des souvenirs, se dévoilent peu à peu les relations troubles que l’homme entretenait avec sa fille. Jusqu’à ce que cet étrange bâtisseur attire l’attention sur lui et que son délire, rattrapé par le monde réel, lui soit fatal.

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Extrait :

« Ils ont ouvert ma fille. Pour l’autopsie. Pour vérifier que ses blessures résultaient bien de l’accident. Pour savoir si elle était ou non sous l’emprise – joli mot, ça, l’emprise – de la drogue ou de l’alcool.

Ils ont ouvert ma fille parce que c’est obligatoire en cas de mort violente. Je me le répète souvent : ma fille est morte de mort violente.

On n’y pense pas, à ça. On n’y pense déjà pas pour soi, alors pour les autres… On ne pense pas qu’on peut être au mauvais endroit au mauvais moment. Se prendre une balle dans le ventre pendant une marche en forêt parce qu’un chasseur vous confond avec une biche. Se prendre un piano sur la gueule, dans la rue, parce que le déménageur a mal fixé les sangles.

Mourir seul dans une tonne de ferraille au bord d’une route toute droite.

J’ai financé cinquante pour cent de la bagnole, Sarah n’avait pas le droit. C’était un investissement sur l’avenir. Donc il devait y avoir un avenir.

Mais on fait des enfants pour qu’ils vous trahissent. »

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Ma foi, voilà…

Si une compagnie se sent intéressée par cette pièce, qu’elle me contacte pour avoir accès au texte complet, et qu’on discute ensemble de la chose.

Les murs de Bolivie

De retour de Bolivie, plutôt que de vous montrer des images de montagnes, de lamas ou du lac Titicaca, je vais vous montrer des murs. Car en Bolivie, on aime écrire et dessiner sur les murs, pour dire ce qu’on a à dire, et on y met du cœur, du talent. Voici donc… quelques murs parmi tant d’autres.

« Ta lutte, ma lutte, notre lutte » (Cochabamba)

« Un peuple d’hommes éduqués sera toujours un peuple d’hommes libres, l’éducation est le seul moyen d’échapper à l’esclavage » (Potosi)

« Dans la nature, il n’y a ni récompenses ni châtiments, il n’y a que des conséquences » (Coroico)

« Nous naissons avec les mêmes possibilités mais pas avec les mêmes opportunités » (Sajama)

« La vérité n’est pas du côté de qui crie le plus fort » (Coroico)

« Nous sommes nés de nombreuses mères, mais ici il n’y a que des frères » (Potosi)

« Une autre fin du monde est possible » (Cochabamba)

« Toujours debout, jamais à genoux » (Sajama)

Le taulard qui ne voulait pas grandir

Les fidèles de ce modeste site se rappellent peut-être que j’ai remporté le prix Gaston-Welter de la nouvelle 2016 avec mon texte « Des vies mal pliées » (paru depuis dans mon recueil FAILLES). Plus récemment, en 2019, avec ma collègue Eva Hahn du collectif RaconTarn, nous avons collecté et restitué oralement les récits de vie des détenus de la maison d’arrêt d’Albi. Eh bien, il se trouve que ces deux excellents souvenirs viennent de se fondre pour en former un troisième, tout aussi réjouissant…

En effet, suite à l’action à la maison d’arrêt, je me suis inspiré de deux détenus pour écrire un texte de fiction intitulé « Le taulard qui ne voulait pas grandir ». Un récit noir et, comme très souvent, mâtiné d’une touche de fantastique. Or cette nouvelle vient de remporter, à ma grande joie, le prix Gaston-Welter 2020 !

Opposant au pass sanitaire, refusant donc de le présenter (ce qui ne veut pas dire que je ne l’ai pas), je n’ai malheureusement pas pu me rendre à la remise des prix à Talange : impossible de prendre des transports en commun longue distance et, même si j’avais pu me débrouiller, impossible d’entrer dans la salle où se déroulait la cérémonie. Dommage… mais pas grave, car ce qui compte, encore et toujours, c’est le texte, que je vous livre ci-dessous. J’ai bien sûr modifié les histoires des détenus à ma guise pour les adapter à un récit de fiction, mais je pense avoir néanmoins respecté leurs personnalités profondes tout en brouillant les faits. Je considère mon prix Gaston-Welter comme une preuve de ce respect, qui s’est transmis aux membres du jury.

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Le taulard qui ne voulait pas grandir

Moi aussi, je fais de la magie. Même en prison. Je lui affirme être capable de matérialiser un four dans la cellule et de cuire un joli gâteau aux pruneaux.

Peter Pan me regarde et sourit. Il rit peu mais sourit beaucoup. Ses yeux me défient. Alors je lui montre.

D’abord, tu mets une plaque de cuisson céramique par terre. Dessus, un fait-tout. Dans le fait-tout, une boîte de thon vide sur laquelle tu poses le moule. Pas de poignée au couvercle afin de couronner l’ensemble d’une autre plaque de cuisson, à l’envers bien sûr. Et ça chauffe. Et ça cuit.

Il est pas bon, mon gâteau ?

Peter Pan s’essuie les lèvres du revers de la main. Ses longs cheveux bouclés lui tombent sur les épaules. On l’a sans doute traité de pédé quand il était ado. Ça doit encore lui arriver.

Mange, petit, mange. Je t’en refais quand tu veux, du gâteau.

*

Quand il rit, c’est magique.

Aux alentours, les gens se figent une fraction de seconde, taulards comme gardiens, puis repartent souriants sans avoir tourné la tête vers lui. Les fresques murales peintes par d’anciens prisonniers semblent bouger : les fleurs multicolores s’allongent, les palmiers s’agitent au vent, les vagues déferlent sur l’île tropicale.

Pour le pousser à rire, je lui raconte ma vie de vieux cambrioleur. Je lui dis qu’à mon départ d’une maison, il n’y a plus que les murs. Au sens propre du terme si le coup est payé par un antiquaire amateur de portes. Je lui dis qu’il faut porter un casque en volant des chèvres, sinon elles te broutent les cheveux pendant que tu conduis la bagnole. Je lui dis qu’on peut chouraver n’importe quoi : des lapins, une voiture, une piscine. Avec la méthode adéquate.

Il rit et les vagues déferlent.

Il rit et je suis libre.

*

Les meilleures choses ont une fin. J’étais doué, mais il a suffi d’une merde et j’ai pris dix-huit ans. J’étais trop doué. Le juge n’a pas apprécié mes talents. J’ai déjà tiré sept piges ; avec les remises de peine automatiques, plus celles de bon élève des activités, je devrais ressortir par la grande porte dans quatre ans.

Peter Pan a pris six mois. Il refuse de me confier ce qui l’a envoyé derrière les barreaux ; c’est son droit, je le respecte. « Une bêtise », marmonne-t-il. D’expérience, je sens le vol à la tire mal calculé, avec soit une récidive qui a niqué un sursis, soit une ou deux injures balancées aux flics qui l’ont chopé.

Je lui annonce qu’à ma sortie, j’achète un camping-car et je visite les moindres recoins du pays. Ça, c’est la vraie liberté. Tu roules tant que tu veux, tu dors où tu veux. Plus de murs. D’aucune sorte. Rien que la route.

Lui aussi aime la route. Et les voitures. Il cherche une formation de carrossier, spécialiste des vieilles bagnoles. Celles qui ne sont pas toutes pareilles. Qui ne sont pas blanches ou grises ou noires. Qui ne trimbalent pas cette électronique de merde impossible à réparer. Sa copine se formera à la sellerie et ils ouvriront un garage ensemble.

Dans sa bouche, c’est toujours « ma copine ». Comme s’il hésitait à dire son nom. Moi, j’imagine que c’est la fée Clochette. Je n’ai jamais aimé Wendy, cette bourgeoise propre sur elle qui a envie de jouer à la maman et pas qu’avec ses petits frères. Clochette, elle vole, elle a du caractère, c’est une vraie fille pour mon Peter.

Je les vois dans une Cadillac aux chromes étincelants, la route bien droite devant eux, à la poursuite d’un arc-en-ciel qui les emmènera au Pays imaginaire. Ils ouvriront leur garage là-bas. Ils répareront les voiturettes des Enfants perdus.

Je me paierai un vieux camping-car de hippie, sans un bout d’électronique, afin que Peter Pan me le bricole.

*

Je lui explique qu’on a de la chance. On pieute à quatre dans une cellule de quatre. Pense aux cellules de six, avec en prime un septième gars qui dort par terre sur un matelas.

On a le mec qui a pété la gueule au cousin ayant lâché un vilain mot à l’enterrement du père. Quatre mois. On a le dealer de quartier, le dernier maillon de la chaîne. Six mois. Ils sortiront bientôt, reviendront peut-être. En attendant, ils dorment mal. Ou plutôt ils dormaient mal avant l’arrivée de Peter.

Lorsqu’il plonge dans le sommeil, il entraîne les copains au Pays imaginaire. Plus de gémissements. Plus de réveils en sursaut. J’aimerais y aller aussi, mais je ne rêve pas. Jusqu’à présent, j’y voyais une chance : des nuits d’oubli total sans images pour me hanter ni me juger.

J’essaie de me persuader que je suis encore chanceux. Quand Peter Pan partira, aucun cauchemar tenu à distance ne reprendra ses droits. Mieux vaut ne pas connaître le Pays imaginaire que d’en être chassé.

*

Pendant les promenades, il regarde en l’air. Songeant à s’envoler. Qu’est-ce qui l’en empêche, d’ailleurs ? Nous sommes coincés dans une maison d’arrêt, pas dans une centrale ; faute de gros durs, il n’y a pas de filet au-dessus de la cour empêchant les évasions spectaculaires.

D’autres aussi regardent en l’air. Ils attendent les colis que leur famille jette par-dessus les murs. Certains surveillants ferment les yeux, regardent en l’air à leur manière. Quand on n’a pas de blé pour cantiner au magasin de la prison, ni pour payer le coût prohibitif d’un appel téléphonique, alors tombent du ciel une tablette de chocolat ou un vieux portable.

Adossé au mur gris, Peter Pan remue les lèvres. Il parle à « ma copine », dont il voit la silhouette dessinée par les nuages. Je me rappelle de mieux en mieux le dessin animé : la fée Clochette trahit son héros parce qu’elle est jalouse de Wendy. Mon Peter ne se remettrait pas d’un tel coup de poignard dans le dos. Je devine qu’il en a déjà trop reçus ; en prison, ces cicatrices invisibles relâchent une drôle d’odeur qui flotte dans les couloirs et les cellules. Même les gâteaux aux pruneaux ne la font pas partir.

*

J’ai lu le roman. Il est à la bibliothèque de la prison. Hasard ? Je ne crois plus au hasard. Moi qui ne connaissais que le dessin animé, le bouquin est bien différent. Peter Pan tue les Enfants perdus lorsqu’ils grandissent, parce que grandir est contraire au règlement du Pays imaginaire. Un pays qui se délite quand Peter n’est pas là, comme s’il s’agissait de sa propre chair. Les fleurs fanent et les fées s’endorment.

Une fois Wendy rentrée chez elle, Peter promet de lui rendre visite tous les ans, mais ne réapparaît que de nombreuses années plus tard. Wendy est déjà maman d’une petite Jane ; c’est elle qui s’envole au Pays imaginaire.

Je ne vois pas mon Peter tuer quelqu’un. À part lui-même.

S’il se voit trop grandir.

*

Je ne crois pas en Dieu. J’ai vu trop de gens condamnés par la vie, pas seulement par les juges. Si Dieu existait, ce serait une grosse enflure, donc je préfère ne pas y croire.

Par contre, j’ai un faible pour la réincarnation. S’améliorer de vie en vie, je trouve ça logique. J’étais peut-être magicien avant. Ou plutôt illusionniste. D’où ma dextérité. Ai-je progressé en devenant roi de la cambriole ?

Ces derniers jours, je rêve. Du crocodile qui a bouffé la main du capitaine Crochet et le traque sans répit pour finir le boulot. Sauf que la bête a aussi avalé une horloge, ce qui permet à Crochet de l’entendre arriver.

C’est l’horloge de la Mort, le compte à rebours fatal. Je rêve du tic-tac. Je ne parviens pas à m’enfuir : mes jambes sont trop lourdes, trop vieilles. Je sens la gueule du crocodile s’ouvrir dans mon dos, prête à m’avaler.

La Mort me cherche. Elle va me demander au parloir et, soudain, il n’y aura plus de barreaux aux fenêtres.

*

Peter Pan dort de plus en plus mal alors qu’il n’a plus qu’une semaine à tirer. Que se passe-t-il au Pays imaginaire ? Clochette lui fait la gueule ? Le capitaine Crochet est à ses trousses ? Nos compagnons de cellule s’agitent violemment dans leur lit dès que Peter bredouille un mot dans son sommeil.

Je crois qu’il m’a menti. Aucune « ma copine » ne l’attend à la sortie. Aucun projet de formation ni de garage. Le Pays imaginaire, il l’a trouvé en prison. Logé, nourri, et diverti par un vieil idiot qui lui raconte des histoires de fripouille à l’ancienne.

Je ne dors plus depuis deux jours. L’horloge du crocodile m’en empêche. Au milieu de la nuit, je doute de ma propre existence. L’imagination de Peter m’a créé, de même que les fresques aux murs, les nuages dans le ciel, les brins d’herbe poussant dans les fissures du béton.

Je me vois m’asseoir sur le lit et empoigner mon oreiller à deux mains. Que se passera-t-il si j’étouffe Peter Pan ? Soit le Pays imaginaire disparaît, et moi avec, soit je prends les vingt piges d’un meurtrier. Mais l’horloge m’assure que je ne tirerai pas ces vingt ans, pas plus que les quatre qui me restent avant la libération conditionnelle. Pas de sortie pour le voleur de portes.

J’avance d’un pas, deux pas, trois pas. Peter se tourne vers moi, les yeux grands ouverts. Il sourit.

Il sourit et les vagues de l’océan s’écrasent à mes pieds.

Sans un mot, il me remercie.

Je t’ai apporté un gâteau, fiston. Je te le mets sur la bouche, sur le nez, d’accord ? Hume-moi ça. Recette personnelle et four magique. Mange, t’es si maigre.

Voilà, c’est bien.

Régale-toi.

Les rues de Lahore

Je m’apprête enfin à reprendre vraiment la route pour la première fois depuis le mois de février de l’an passé, juste avant que la pandémie frappe. D’ailleurs, si vous vous rappelez bien, j’avais plutôt pris la mer. Je vous ferai la surprise de la destination au retour. Indice : il y a quelques îles au programme, donc la mer ne sera pas absente.

En attendant, voici quelques photos d’un vieux voyage. Le tour du monde. La ville de Lahore (Pakistan) à la même période de l’année mais en 2005. Il faisait une chaleur ahurissante, à tel point que j’avais demandé à mon logeur s’il avait un thermomètre à disposition. Le brave homme en avait retrouvé un au fond d’un carton, après quoi j’avais posé l’objet sur la table de la terrasse qui se trouvait alors à l’ombre mais de peu. Verdict du thermomètre : 51°C.

Donc si vous trouvez ces photos des rues de Lahore brûlées de soleil… eh bien c’est normal.

La Loi du marché

Voici ma dernière traduction de science-fiction, sortie récemment aux éditions Bragelonne : « Market Forces » de Richard Morgan. C’est ma seconde traduction de cet auteur britannique après « Thin Air ». Non, je n’ai pas oublié de traduire les titres. Il se trouve que l’éditeur préfère garder les noms anglais depuis que l’un des romans de Morgan, « Altered Carbon » (Carbone modifié), a été adapté en série télé avec un certain succès. Exemple typique : dans notre bon pays de France, qui appelle encore « Game of Thrones » par son nom français (« Le Trône de fer ») depuis les résultats éblouissants de la série, hein ?

Je vous livre à présent la quatrième de couverture :

« Dans le monde entier, hommes et femmes trouvent encore des causes pour lesquelles se battre et mourir. Qui sommes-nous pour nous y opposer ? Avons-nous vécu ce que ces gens ont vécu ? Avons-nous ressenti ce qu’ils ont ressenti ? Ce n’est pas à nous de décider s’ils ont tort ou raison. Chez Shorn Associates, dans la Gestion des conflits, seuls deux sujets nous intéressent. Qui va gagner ? Combien cela va-t-il rapporter ? »

Londres, 2049. Chris Faulkner vient d’obtenir le poste de sa vie chez Shorn Associates. Mais cette société, leader dans le domaine de la Gestion des conflits, attend de lui des résultats. Elle attend de lui qu’il soit le meilleur. Même si Chris a déjà tué un cadre de haut niveau sur la route, il devra rester le plus fort au volant, et multiplier les victimes parmi ses concurrents, s’il veut satisfaire ses patrons. Dans l’intervalle, il lui faudra juste s’efforcer de rester en vie.

Oui, vous avez bien compris : la concurrence entre grosses boîtes de consulting se règle non pas dans les bureaux mais lors de rodéos sur la route (d’où la couverture). Celles et ceux qui me connaissent assez pour savoir d’où je viens doivent penser que je me suis bien marré à traduire ça. Ma foi… c’est pas faux !

FAILLES – deux petites lectures

Le 23 octobre dernier, j’ai donc répondu présent à l’invitation de mes amis de La Cheminée, à Albi, pour une séance de dédicace de FAILLES, mon nouveau recueil de nouvelles, séance accompagnée de quelques lectures d’extraits. C’était le soir du couvre-feu, qui commençait à minuit : j’avais rigolé en disant que c’était la dernière soirée culturelle albigeoise avant la disparition de la nuit, sauf que peu de temps après… le jour a disparu lui aussi.

D’autres amis étaient présents à cette belle soirée, ceux de Radio Albigés. Grâce à eux, je peux vous faire profiter de deux morceaux de lecture. Il s’agit tout d’abord de la première partie de la nouvelle intitulée « Carrousel », puis de l’intégralité du texte le plus court du recueil, « L’espoir du crocodile ».

Si par hasard ces deux sons vous donnaient envie de vous procurer le livre, rendez-vous dans votre librairie indépendante préférée, ou sur le site des éditions Malpertuis.

En pleine action (photo Paul Keller)

Et si vous avez encore du temps et des oreilles pour une vieille lecture, j’avais eu l’occasion, il y a presque quatre ans, d’enregistrer dans les studios d’Europe 1 un autre texte qui figure à présent dans FAILLES. Rendez-vous ici pour retrouver « La balle n’est pas arrivée, mais Bob Dylan est mort ».

Parution automnale maritime

D’autres obligations m’ayant retenu dans mes pénates albigeoises, je n’ai pas pu me déplacer jusqu’à Béziers le 10 octobre dernier pour assister au Festival du Fantastique organisé par les étudiants de l’IUT Métiers du Multimédia et de l’Internet. Louée soit cette bande de jeunes qui, après un report de l’événement prévu au printemps, s’est battue pour maintenir le festival envers et contre tout, malgré les turbulences sanitaires.

Le thème de cette édition était « le fantastique et la mer », avec entre autres au programme l’édition d’une anthologie de nouvelles. J’ai eu le plaisir de voir mon texte « La Mer est profonde et les jours sont longs » sélectionné pour figurer dans ce livre. Notons que cette nouvelle a été lourdement inspirée par le voyage en cargo de marchandises que j’ai effectué en février dernier, avant que le monde change (voyage raconté ici).

Le peintre et illustrateur Pascal Casolari a réalisé non seulement l’image de couverture, mais a aussi illustré chaque texte de l’anthologie. Vous trouverez ci-dessous ladite image de couverture, ainsi que l’illustration de ma nouvelle.

Au cas où ce bouquin vous intéresserait, il est vendu par l’IUT au prix coûtant de 5€, paiement par chèque à l’ordre de l’agent comptable de l’Université de Montpellier, chèque à adresser à : IUT de Béziers – Festival du Fantastique de Béziers – 3 place du 14 juillet – BP 50438, 34505 Béziers Cedex. Le livre est accompagné d’un marque page créé pour le festival par Pascal Casolari et les étudiants.

FAILLES – dédicace albigeoise

Comme vous le savez désormais (voir article précédent), c’est avec un immense plaisir que je me suis rendu le dernier weekend de septembre aux Aventuriales de Ménétrol, festival auvergnat des littératures de l’Imaginaire, pour y retrouver mes camarades des éditions Malpertuis qui sortaient à cette occasion mon nouveau recueil de nouvelles, FAILLES.

Depuis, mes amis de La Cheminée m’ont proposé d’organiser une soirée « dédicace et autres réjouissances » autour de FAILLES. Comment aurais-je pu refuser ?

Rendez-vous est donc pris ce vendredi 23 octobre 2020 dès 18h au 5 rue Sainte-Marie à Albi, au pied de la splendide cheminée de cette ancienne chapellerie. Je vous invite à venir feuilleter le livre, le palper, voire l’emporter… en échange d’une somme modique. Pour celles et ceux qui préféreraient juger avec leurs oreilles, je lirai des extraits de FAILLES à 19h et à 21h.

Seront aussi de la partie :

– Ariane Ruebrecht, photographe, qui présentera la série de photos ayant inspiré l’une des nouvelles du recueil.

– Cédric, brasseur amateur pour l’instant, qui vous fera découvrir sa bière noire fumée, brassée spécialement pour La Cheminée.

Si vous ajoutez à cela un bouillon noir à l’encre de seiche, il y a là de quoi passer une joyeuse soirée autour de la littérature fantastique, soirée où j’espère vous croiser nombreuses et nombreux.

Failles

Failles, mon quatrième recueil de nouvelles, sort en cet étrange automne 2020 aux éditions Malpertuis, lesquelles avaient déjà accueilli Les contes du Vagabond voilà plus de dix ans.

Il s’agit cette fois d’un fantastique léger, ancré dans la vie quotidienne, dans la réalité sociale. Puis une faille s’ouvre et tout bascule. L’ouvrage regroupe quatorze textes, dont douze inédits – les connaisseurs du présent site reconnaîtront deux titres dans le sommaire détaillé ci-dessous. La couverture utilise l’une de mes photos, prise lors d’un voyage lointain dont je tairai la destination. Il s’agit d’un village abandonné, à l’instar de certains de mes personnages…

Franchis ces deux portes, ami lecteur : je te souhaite la bienvenue. Si par hasard tu tombais dans une faille au détour d’une page, demande-toi si c’est bien la peine de remonter, vu le monde bizarre dans lequel nous vivons…

Sommaire:

Flammes de nos cœurs fatigués / Les fonctions remarquables / Carrousel / Bout de charbon / La dernière valse des morts à roulettes / Des vies mal pliées / Celui qui ne savait pas faire face / Le camion blanc / Ils mirent la route sous leurs pas et marchèrent, marchèrent / Exil volontaire au fond du jardin / La balle n’est pas arrivée, mais Bob Dylan est mort / Le chat à la fenêtre / L’espoir du crocodile / Il était une dernière fois

Le saint du covid-19

La montée vers Saint-Cirq-Lapopie depuis les rives du Lot s’effectue en majorité sous les arbres. Heureusement pour le marcheur : il fait déjà largement plus de 30 degrés en ce début d’après-midi. La douceur de fin d’été en Occitanie se transforme peu à peu, année après année, en une nouvelle période de fournaise.
À l’entrée du village, accrochés aux pierres de l’impressionnante porte Roques, des panneaux indiquent que le port du masque est obligatoire dans la zone entre 10h et 18h. Je lève les yeux au ciel, dont le bleu éclatant ne daigne pas me répondre. J’extirpe le machin de ma poche et franchis la vénérable porte. Au début, pas grand monde. Puis, en me rapprochant du centre-bourg, je croise de plus en plus de visiteurs, sans que ce soit la foule des grands jours. Les rues, elles, deviennent de plus en plus pentues. Ce qui m’offre le spectacle ahurissant de personnes âgées, ou simplement hors de forme, en train de haleter derrière leur masque, la douleur au fond des yeux. Certaines semblent vraiment prêtes à se trouver mal à cause d’un étouffement qui n’a rien à voir avec un certain virus. Quelques rares passants ont déjà ôté le dérisoire morceau de tissu – je les imite. Ne nous a-t-on pas répété moultes fois qu’un masque humide (dans le cas d’espèce trempé de sueur et de salive) ne sert plus à rien ?
Mais c’est vrai qu’on ne nous répète plus grand-chose. Au début de l’épidémie, lorsque personne n’avait de masque, on nous enjoignait par exemple à cor et à cri de ne le toucher que par les élastiques. Désormais, on nous demande juste de le porter. Tu le portes, mec. Comment ? On s’en fout, tu le portes, ou c’est 135 boules d’amende. Les autorités gesticulent : faire totalement n’importe quoi est toujours mieux que d’être accusé de ne rien faire. D’ailleurs, dans le village, aperçoit-on des képis susceptibles de verbaliser ? Non. Il ne faudrait quand même pas vexer les visiteurs. Laissons-les étouffer seuls.
Passage devant l’église. Je remets le masque – lieu fermé – et pénètre dans l’édifice. Au hasard des chapelles, je découvre la statue de saint Jean-Gabriel Perboyre, crucifié, avec un lacet de strangulation autour du cou. Originaire du Lot, il a été martyrisé à… Wuhan en 1840. Et voilà que le texte d’explication part en vrille en expliquant que, comme le gars est mort étranglé (donc étouffé) à Wuhan (lieu d’origine du virus), c’est le saint idéal à prier pour les malades du coronavirus ! Il se trouve qu’en réalité, quitte à le tuer, les Chinois se sont montrés plutôt cléments en choisissant une strangulation rapide puisque justement le supplice de la crucifixion consiste en un étouffement très lent par affaissement de la cage thoracique, donc une mort bien plus proche de celle des victimes du covid-19. Serait-ce trop demander aux curés de connaître leur propre histoire ?
Je m’échappe de là, vire le masque, parcours les dernières pentes et sors du village sur les hauteurs. Je poursuis ma marche sur les Causses du Quercy, sous les arbres et loin des gens.