Digital Blues 4.0

Cette nouvelle est la suite de « Digital Blues », un texte paru en 2004 dans le numéro 35 de la revue Galaxies. La présente nouvelle a pour sa part été publiée en 2014 dans l’anthologie « Mélange des genres: panique chez les taxons » dirigée par Cédric Villani et Fatou Diomé (éd. presses de l’ENSTA). Amie lectrice, ami lecteur, si tu tombes sur ce texte avant le 1er juillet 2015 et que tu l’aimes bien, rien ne t’empêche – si ça te dit – d’aller voter en sa faveur pour le prix Rosny aîné (http://www.noosfere.com/rosny/). J’ai eu l’occasion d’animer un atelier d’écriture à la MJC d’Albi à partir de ce texte, en demandant aux participantes (oui, il n’y avait que des femmes) d’en écrire la suite au sens large (suite immédiate, lointaine, changement de personnage, etc.): ces personnes qui n’avaient en grande majorité jamais touché à la science-fiction ont sorti des idées très intéressantes malgré leur stress initial, preuve une fois encore que la SF est un « mauvais genre » qui fait peur à tort… En attendant, bonne lecture!

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Solomon Blum sort de chez lui. Le jardin est paisible, bien entretenu; la plaine paraît s’étendre à l’infini derrière la petite clôture en bois. Solomon s’avance; il connaît le nombre de pas – dix-sept – qui séparent le paillasson du portail.

Quatorze, quinze, seize, dix-sept. Il tend le bras par-dessus les planches peintes d’un blanc éclatant. Sa main disparaît, brouillant l’image de la plaine et des collines au loin. Le ciel n’existe pas, l’horizon non plus, pas plus la clôture, le jardin ou la maison. Pas plus que la main qui réapparaît, intacte, dès que Solomon recule.

L’ordinateur n’a pas la puissance de calcul nécessaire pour le laisser sortir du jardin. Ou, plus exactement, il ne dispose que des ressources prévues par contrat.

Solomon Blum est mort il y a trois ans, de ce que l’on persiste à appeler une longue maladie. Sa matrice neuronale avait été captée par les nanomachines de Digital Souls quelques mois plus tôt. Puis il est Revenu.

*

Solomon se dit souvent que de nombreux Revenus doivent terriblement s’ennuyer. Confinés dans le périmètre de la clôture, voire, pour les contrats de base, dans la maison, ils n’ont rien à faire à part regarder la fausse télé qui leur sert aussi à communiquer avec le monde extérieur, celui des vivants, celui où les mains ne disparaissent pas. Des retraités condamnés à la prison éternelle.

Solomon a mis deux ans avant de pouvoir écrire à nouveau une ligne valable en tapant sur le faux clavier de son faux ordinateur. Deux ans à penser qu’il ne pouvait plus créer puisque la mort avait frappé et que des processeurs, même quantiques, ne remplaceraient jamais du bon vieux gras de cervelle. Deux ans à se demander comment il avait pu commettre l’erreur de vendre son âme à Digital Souls. Et justement, son âme, où était-elle? Peut-être pas loin, vu que les idées continuaient à affluer, des idées de livres et de nouvelles, comme à l’époque où il pondait au moins un roman par an.

Deux ans pour vaincre le syndrome de la fausse page blanche.

Puis tout à coup, le nouvel opus était prêt: 340 feuillets standards de thriller bien noir. La preuve que le grand Solomon Blum pouvait encore parler de sang même si l’ordinateur qui gérait la simulation ne le laissait pas se blesser avec son faux couteau quand il coupait de faux légumes.

Solomon avait encore attendu deux mois et de multiples relectures avant d’envoyer le texte à son éditeur, le temps de se persuader que, dans la mesure de ses compétences reconstituées, il estimait sa création à la hauteur des précédentes.

L’éditeur avait accepté. Un beau contrat. Si les droits d’auteur suivaient, Solomon pouvait même espérer signer un avenant avec Digital Souls pour repousser la clôture de quelques centaines de mètres. Car on ne dépassait jamais la clôture: la frontière devait être matérialisée, une frontière plus infranchissable qu’une forêt de barbelés.

*

Par l’intermédiaire de la fausse télé, son éditeur lui présente Josef Mankovsky. Le fondateur de Digital Souls. Le Diable mangeur d’âmes, pensait encore Solomon avant de parvenir enfin à boucler un chapitre.

Et Mankovsky, en quelques phrases sèches, lui propose une nouvelle tentation. Le vieil homme a beau appeler ça une «innovation», Solomon sait reconnaître un contrat qu’il faut signer avec son sang, même quand le sang en question n’est composé que de qubits intriqués.

Qui d’autre que le Diable pourrait offrir la résurrection?

*

Au premier jour de son Retour, Solomon avait tenté de lancer plus que sa main par-delà la clôture. Il avait eu l’impression de se dissoudre, de mourir une deuxième fois, puis il était réapparu dans son fauteuil, devant la télé qui diffusait un message de Digital Souls lui expliquant qu’il n’était pas le premier à essayer et que ça ne servait à rien.

Cette fois, la sensation est moins pénible. Peut-être parce qu’il s’y attend. L’ingénieur lui a dit de fermer les yeux et de compter jusqu’à dix. Comme dans une cour de récréation, pense Solomon, car tout ceci n’est qu’un jeu, un jeu monstrueux dont je ne connais pas les règles.

Solomon fait exprès de compter jusqu’à dix-sept, puis rouvre les yeux. Il se voit. Il est devant un miroir, mais son visage reflété semble lui-même prisonnier d’un miroir.

— Levez le bras gauche, dit l’ingénieur.

Il n’y arrive pas. N’arrive pas non plus à baisser la tête vers ce bras récalcitrant: toujours, devant lui, son visage dans le double miroir.

C’est alors que Solomon Blum comprend qu’il a bel et bien ressuscité, car l’ingénieur est à côté de lui, pas dans la télé. Un homme vivant, avec un corps de chair et d’os.

Solomon reconnaît soudain dans le miroir la créature métallique que Mankovsky lui avait présentée. Un androïde avec un écran à la place du visage, pour y afficher celui du Revenu ayant pris possession du corps artificiel.

Mankovsky avait expliqué que l’on aurait pu créer une copie presque parfaite d’un être humain, mais que tout le problème résidait dans le presque. Chaque petit défaut aurait semé le trouble chez les gens, comme devant une personne légèrement handicapée. Les spécialistes appelaient ça la «vallée dérangeante»: soit on garde un aspect très robotique, soit on réalise un androïde parfait, mais entre les deux, point de salut.

Solomon Blum a un nouveau corps. Donc il doit réapprendre à faire bouger des membres qui ne sont plus seulement des images soumises à sa seule volonté relayée par les calculs informatiques. D’abord des nerfs, puis des processeurs quantiques, et maintenant des moteurs actionnant des muscles de métal. Finalement, on en revenait toujours aux impulsions électriques. Rien ne changeait jamais. Quand les électrons circulaient, les morts ne se distinguaient plus des vivants.

Solomon lève le bras gauche. La lumière crue de la salle accroche la surface polie de son avant-bras. Il sourit en se saluant dans le miroir.

*

Signer des livres, c’est comme faire du vélo: ça ne devrait pas pouvoir s’oublier. Sauf que ça peut.

Solomon se rend vite compte qu’il a surestimé sa capacité d’adaptation à la carcasse métallique. Il a salué son reflet, il a voulu se lever, il est tombé. Depuis, les heures d’entraînement s’enchaînent dans des salles blanches qui ressemblent à celles d’un hôpital. Le cancer et la vie dans l’ordinateur n’étaient qu’un long rêve; en fait, il a été renversé par une voiture et suit des séances de rééducation. Logique. À condition d’oublier l’armure de Dark Vador. Et dans le film, ça finit plutôt mal.

Le soir, quand les scientifiques et les ingénieurs rentrent chez eux, Solomon retourne dans l’ordinateur. L’autre, pas celui qui est dans la tête de Dark Vador. Il ne se repose pas vraiment, puisqu’il n’a plus de muscles susceptibles d’être fatigués, mais la sensation n’est pas si éloignée: l’impression d’être soulagé d’un énorme poids.

Il réapprend d’abord à signer sur des feuilles. De la main gauche. Son androïde est gaucher parce que lui aussi l’était, dans la vie de chair. Comme avant, comme toujours, il n’obtient que des gribouillis avec la main droite. Les ingénieurs trouvent ça fascinant; Solomon ne sait pas quoi en penser.

On lui montre son livre. Parce que c’est un vrai livre, avec des pages en papier et une belle couverture cartonnée. Il n’avait pas attendu la mort pour oublier comment signer un bouquin: ça faisait déjà quatre ou cinq ans que ses romans ne sortaient plus qu’en numérique. Mais là, son éditeur aussi a voulu jouer à la résurrection. Digital Souls a tout prévu – et tout payé – pour que Solomon Blum l’androïde fasse sa première apparition publique dans une librairie.

*

Comment n’y a-t-il pas songé plus tôt? Sans doute parce qu’il valait mieux ne pas se poser la question. Mais les points d’interrogation réussissent toujours à sortir du tiroir.

Solomon demande aux ingénieurs si c’est vraiment lui tout entier qui est présent dans l’androïde. Autrement dit, est-ce que sa simulation est transférée dans la machine à chaque fois? Autrement dit, si la machine crame d’un seul coup, est-ce que lui aussi crame/disparaît/meurt définitivement, pour de vrai, comme la putain de vieille mort d’avant?

En fait, non. La simulation est gelée dans l’ordinateur, copiée dans l’androïde, puis écrasée par la nouvelle version à la fin de l’entraînement, à la sortie du robot. Donc si Dark Vador crame, la simulation repart de là où elle s’était arrêtée, juste avant le dernier transfert. Et là-bas, dans l’ordinateur, Solomon Blum reprend sa petite vie électronique sans savoir qu’une autre version de lui est morte coincée dans un foutu robot.

Peut-être cela s’est-il déjà produit. Plusieurs fois. Combien de Solomon tombés au champ d’honneur en essayant de signer un bouquin de la main droite?

*

Les bureaux d’une grande librairie. Ça se reconnaît au premier coup d’œil: il y a des cartons de livres partout, éventrés ou en attente de l’être, réduisant au minimum les passages dans lesquels les employés peuvent se faufiler. Solomon sait qu’il n’en reste plus beaucoup comme ça: une ou deux dans chaque métropole, avec une clientèle capable de payer ce qui coûte cinquante ou cent fois moins cher en virtuel.

L’odeur du livre. Il la sent. Croit la sentir. Mais il n’est plus très sûr de savoir encore déterminer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Peut-être n’est-il pas le seul. Peut-être cela n’a-t-il plus aucune importance.

L’androïde attend dans les locaux depuis une semaine, amené en secret juste avant l’annonce, pour ne pas avoir à le déplacer une fois que les regards de tout le pays – du monde entier – seraient braqués sur la librairie.

Solomon tourne la tête. Les employés, le directeur, le regardent sans rien dire. Ils ne lâchent même pas un petit bonjour alors que certains d’entre eux le font régulièrement avec leurs propres Revenus, à travers la télé. Sans doute se demandent-ils s’ils vont oser lui serrer la main, au cas où le robot aurait une poigne trop forte. Normalement, pour dégeler l’ambiance, ils auraient proposé un café. Mais le visage-écran n’a pas de véritable orifice.

Solomon perçoit le tumulte de la foule, dehors. Il se lève pour aller regarder par la fenêtre, mais un représentant de Digital Souls l’en empêche. Pourquoi? Si l’entreprise veut jouer sur le naturel, quoi de plus naturel qu’un type, même en métal luisant, qui regarde par la fenêtre?

Qu’importe, l’heure est venue. Solomon descend l’escalier (on l’a entraîné à ça aussi) et s’installe à la table. Les livres sont là. De l’autre côté de la vitrine, il aperçoit les premiers lecteurs, qui l’aperçoivent à leur tour.

Porte ouverte. Une longue file se forme aussitôt devant lui, menée par une jeune femme dont le menton se met à trembler. Mais Solomon a compris dans le bureau: il dit bonjour, d’une voix qui paraît sortie d’une vraie bouche, et tend la main à sa lectrice. Qui la serre. Le menton ne tremble plus. Elle veut une dédicace pour Marion.

Et Solomon signe. Dix exemplaires. Cinquante. Cent. Deux cents. Sa main ne fatigue pas. Il peut faire ça toute la journée.

Jusqu’à ce type qui sort un flingue de son sac en le traitant d’enculé de putain de monstre.

*

Solomon sort de chez lui. Le jardin est paisible, bien entretenu; la plaine paraît s’étendre à l’infini derrière la petite clôture en bois. Solomon s’avance; il connaît le nombre de pas – cent huit – qui séparent le paillasson du portail.

Dommage pour la librairie: Digital Souls a annulé la signature au dernier moment. Une histoire de sondage qui dit que le public n’est pas prêt. Mais ça viendra. Et Mankovsky lui a même offert un gros bonus sur son contrat de Retour, pour s’excuser.

Cent six, cent sept, cent huit. Il tend le bras par-dessus les planches peintes d’un blanc éclatant. Sa main disparaît, brouillant l’image de la plaine et des collines au loin.

Solomon Blum existe.

La Révolte d’Albi en photos… égyptiennes

Plusieurs lecteurs de mon roman « La Révolte d’Albi » me l’ont demandé, je finis enfin par m’y mettre: voici quelques photos de mon séjour en Égypte, accompagnées de passages du bouquin qu’elles ont pu inspirer. Si ça vous fait plaisir, il y en aura peut-être d’autres…

***

Chapitre 6
[que Bastet pardonne aux affamés]

Les visages dans les étoiles ne vieillissaient plus, mais se moquaient de lui ou se lamentaient sur son sort. Telle étoile filante était une larme, telle autre un rictus méprisant.

Trois jours depuis la petite mosquée et le restaurant perdus au milieu du désert, qui marquaient peu ou prou la moitié du chemin. Il avait tenté de s’y introduire, pour récupérer un peu d’eau, mais le grognement d’un chien l’en avait dissuadé. Près de la mosquée, le robinet à ablutions était à sec.

Plus d’eau depuis la veille, quand une chaleur atroce sous la tente l’avait poussé à sucer les dernières gouttes de la gourde en peau de mouton. S’il avait marché aussi régulièrement que prévu, Fathi atteindrait les faubourgs de Marsa Matrouh dans deux nuits. De là, le temps de reprendre des forces, il trouverait un moyen de rejoindre Alexandrie: plus besoin de se cacher, il pourrait faire du stop, ou même prendre un bus s’il parvenait à réunir assez d’argent. Au pire, ce seraient encore trois cents kilomètres de marche, dans de bien meilleures conditions que la lente remontée de Masrab al-Istabl.

Mosquée perdue entre Siwa et Marsa Matrouh

Mosquée perdue entre Siwa et Marsa Matrouh

 

Chapitre 8
[des paquets de mouchoirs en papier]

De nuit, la Corniche devenait un long croissant lumineux se terminant à l’ouest sur le fort Qaït Bey, à l’est sur une digue obscure et un virage qui emmenait la route côtière vers la Bibliotheca Alexandrina. L’expression «route côtière» s’avérait bien sûr un peu surfaite depuis que les iles artificielles masquaient le large, mais le vocabulaire avait tendance à se raccrocher au passé, surtout pour embellir le tableau.

Le ciel et la mer formaient un seul écran noir à peine brisé par la silhouette de la digue centrale. Qaït Bey paraissait tenir l’ultime position humaine avant la fin de la Terre, le grand vide redouté par les anciens navigateurs dans leurs courses à travers les océans. D’ailleurs, le mugissement des voitures et autres microbus lancés sur la Corniche n’était-il pas plutôt celui de la cascade tombant dans l’immensité cosmique?

Alexandrie, la Corniche depuis une chambre d'hôtel

Alexandrie, la Corniche depuis une chambre d’hôtel

 

Chapitre 9
[une plage d’asphalte fissuré]

Nouveau croisement, cette fois avec Sharia Sherif. Croisement aussi des rails de tramway, mais la ligne qui descendait plein sud vers la zone de Kom ash-Shuqqafa n’était plus en service – les rames qui avaient survécu à la catastrophe continuaient toutes plein ouest en direction du port occidental. Un char d’assaut surveillait le carrefour; une lumière tamisée s’écoulait par la meurtrière: ici, le khamsin qui s’engouffrait dans la grande artère avait poussé les soldats à battre en retraite dans leur maison de métal.

Le chat enfila plusieurs ruelles au sud de Sharia Sherif, à l’abri du vent, si vite que Fathi en perdit le sens de l’orientation. L’heure du couvre-feu était-elle passée? Que faire s’il se perdait, s’il croisait un soldat plus vigilant que les autres?

L’animal marqua une pause le temps de planter ses dents dans un bout de pain dur jailli d’un sac plastique éventré. Une aubaine, un don de Bastet.

Marché et tramway à Alexandrie

Marché et tramway à Alexandrie

 

Chapitre 18
[du fond du Nilomètre]

Robinson franchit à nouveau le mince bras du Nil qui séparait Rodah de la rive, cette fois sur une passerelle piétonne surmontée d’une arche en bois dont l’esthétique «kiosque» devait être en vogue un bon siècle auparavant. En contrebas, une grosse canalisation rouillée sur laquelle deux jeunes pêcheurs s’étaient assis canne en main et linge sur la tête, dans l’espoir que les derniers poissons du Caire veuillent bien se suicider ici et maintenant.

La Corniche el-Nil donnait l’impression d’être à l’air libre, mais la longer revenait à s’engouffrer dans un tunnel sans fin. Odeurs de pots d’échappement, de goudron chaud; hurlements des klaxons, des chauffeurs, des bébés qui se réveillaient dans un cauchemar pire que ceux du sommeil. Marcher sur le trottoir imposait de traverser d’abord cette membrane de sensations qui, une fois sautée, isolait ses occupants du monde extérieur – la texture de l’air était différente, de même que la couleur du ciel ou la portée de certains sons.

Le Caire: un bras du Nil autour de l'île de Rodah

Le Caire: un bras du Nil autour de l’île de Rodah

 

Chapitre 19
[pleurer le Pays imaginaire]

— Ça commençait tout juste, place Tahrir. La première occupation, celle de la nuit du 25 janvier, avait pris fin dès le lendemain matin. Mon père voulait m’emmener passer le week-end au Caire, pour me montrer le Musée égyptien et les pyramides, alors on est partis comme prévu, le matin du vendredi 28. Ma mère pleurait, elle disait que c’était dangereux, qu’on allait se faire tuer. Elle avait senti monter la sauce, ma mère. Elle avait du nez. Mais mon père a joué les fiers-à-bras. Pas question de s’affoler pour si peu, pour un pétard mouillé. On a pris le train. Quatre heures plus tard, on débarquait au Caire. Il faisait beau, je voulais marcher mais mon père, lui, voulait qu’on prenne le métro. Pour ne pas me fatiguer, et puis pour me montrer quelque chose qu’on n’avait pas à Alexandrie. À l’époque, la station de métro devant la gare s’appelait «Moubarak».

Le Caire: manifestation place Tahrir

Le Caire: manifestation place Tahrir

 

Chapitre 38
[le rouge-gorge et le colibri]

Trois ans qu’elle vivait à Ar-Rashid. Rosette pour les Français; l’endroit où les troupes de Bonaparte avaient trouvé la pierre gravée en grec, démotique et hiéroglyphes, qui permettrait à Champollion de déchiffrer l’écriture pharaonique. Ahmed lui avait dit un jour que l’université d’Albi portait le nom du célèbre égyptologue, et voilà qu’elle-même se morfondait à quelques centaines de mètres du fort Julien, lieu de la découverte. Le genre de hasard qui finissait, si l’on n’y prenait garde, par vous persuader de l’existence d’un dieu moqueur qui jetait des dés pipés à tour de bras.

L’aube à peine oubliée, le soleil dessinait déjà des mirages de chaleur sur la route brûlante – fausses flaques d’eau qui n’étaient qu’une image déviée du ciel. Personne ne s’y trompait, surtout pas les ânes qui gardaient la tête basse et le pas lent, mais les hommes ne pouvaient s’empêcher d’y penser.

Voilà le problème, songeait Fayrouz, il faudrait qu’on arrête tous de penser.

Le Nil à Rosette depuis le fort Julien

Le Nil à Rosette depuis le fort Julien

 

La balle n’est pas arrivée, mais Bob Dylan est mort

Cette nouvelle est parue en octobre 2013 dans l’anthologie « Hors-la-loi: quand la pomme ne tombe plus » (Presses de l’ENSTA). Elle s’inspire de mes voyages en Crète et au Pakistan, mais aussi… de mon année de Math Sup. Il paraît que lors de la sélection des textes de l’antho, celui-ci a bien plu à Cédric Villani (médaille Fields 2010): ben oui, je ne risquais pas de l’impressionner avec mon 5/20 en maths au concours de Centrale… Spéciale dédicace à Nico, Tonio, Mimi.

 

***

Fabre vit partir la balle qui allait le tuer. Le sniper avait attendu qu’il passe le coin de l’immeuble ; lui-même serait mort sans rien remarquer si le soleil ne s’était pas reflété un court instant sur la lunette de visée – en plus, il se faisait buter par un amateur même pas capable de se poster correctement. Pourquoi les drones n’avaient-ils pas repéré le tireur ? Les toits de Quetta étaient aussi nus que le désert qui enserrait la ville.

En une fraction de seconde, la balle parcourut la moitié du chemin. Cinquante mètres environ. Le soldat la distinguait avec une netteté affolante, suspendue entre les façades déjà criblées d’impacts. Aucun survivant n’avait jamais raconté que le temps se dilatait à ce point juste avant la douleur.

Ving-cinq mètres de plus. Le projectile luisait au soleil. Puisqu’il avait le loisir d’aligner deux pensées, Fabre se dit qu’il avait peut-être aussi une chance de bouger, de s’écarter. Ça paraissait débile, mais pas plus que de crever au fin fond du Pakistan, à six mille bornes de chez soi.

Douze mètres. Six. Trois. L’air surchauffé de Quetta se changeait en pâte molle qui absorbait toute velléité de mouvement. Tourbillons de sable paralysés au bord des caniveaux. Bruit figé d’un moteur qui ne paraissait ni s’approcher ni s’éloigner.

Quarante centimètres. Vingt. Dix. Cinq. Entre les deux yeux. À en loucher.

Une dernière pensée, Lionel Fabre ? Un mot d’esprit que l’histoire ne retiendra pas ? Même pas une femme, même pas d’enfants à regretter. Un beau souvenir, alors ?

Les seins de Fanny Dauzats.

*

Lionel entendait le prof écrire l’énoncé au tableau. Frottements de la craie, avec une sorte de râle aigu à chaque virgule. Il ne regardait pas. De toute façon, il ne comprendrait pas. Le théorème de Bolzano-Weierstrass l’avait cloué sur sa chaise trois semaines plus tôt, et depuis, le prof de maths semblait parler une langue bizarre aux consonances agressives.

À côté de lui, Fanny recopiait avec application sur son grand cahier. Pas de symboles tordus, juste des mots, étrangement compréhensibles.

Un archer tire une flèche vers un arbre. Avant que cette flèche touche sa cible, elle doit parcourir la première moitié de la distance l’en séparant. Puis la moitié de la distante restante. Puis encore la moitié du reste, et ainsi de suite. On en déduit donc que la flèche, devant franchir une infinité de moitiés successives, n’arrivera jamais à destination.

— Zénon d’Élée a lancé cette affirmation il y a près de deux mille cinq cents ans, expliqua le prof. Les mathématiques ne l’ont réfutée qu’il y a quatre siècles. Vous avez quinze minutes.

La respiration de Fanny s’accéléra, comme si elle se préparait à un combat physique avec le philosophe. Son décolleté offrait une vue plongeante sur ses seins rebondis – existait-il une fonction f(x) dont la courbe dessinait exactement ces merveilles de la nature ?

Zénon d’Élée avait raison. Impossible de toucher la cible. Lionel avait déjà essayé plusieurs fois, sans succès, d’atteindre la poitrine de Fanny Dauzats.

*

Oui, Zénon d’Élée avait raison. La balle n’arriverait pas. Elle était à quoi, maintenant ? Un centimètre ? Elle allait continuer de se rapprocher à l’infini, sans pénétrer les chairs, sans réussir ne serait-ce qu’à effleurer la peau.

Fabre ne bougeait toujours pas. Et s’il restait coincé là, avec la balle, dans une ville pétrifiée par l’éternité des moitiés ?

Le soldat parvint à se concentrer sur son corps. Le cœur n’avait pas ralenti, et battait même trop vite. La sueur dégoulinait en torrent dans les méandres de l’uniforme. Le fusil pesait dans ses mains.

Il devait pouvoir bouger.

Son poids reposait sur la jambe droite, sur laquelle il était en train de pivoter quand il avait levé les yeux vers le sniper. Le déséquilibre n’était pas loin : une poussée, du bout de la botte gauche, et il basculerait sur le côté.

Allez ! Vas-y !

Le soleil lui grillait la peau du visage, preuve là encore que le temps ne s’était pas vraiment arrêté. Quetta poursuivait sa course en avant ; seul le fantôme d’un philosophe grec s’amusait avec un projectile qui aurait pu être une flèche.

Vas-tu pousser, connard ?

La botte se soulevait, peu à peu. Muscles tendus à faire mal. Fabre se sentait à présent plus ridicule qu’effrayé : soldat en train d’effectuer un lent pas de danse au milieu d’une zone de guerre.

Chute. Roulade sur le dos. Se relever, un genou en terre, et tirer vers l’ennemi embusqué. D’autres camarades mitraillaient eux aussi le haut de l’immeuble, soulevant un nuage de ciment.

Fabre aurait dû se remettre debout et foncer à couvert, mais ne put s’empêcher de chercher la balle. Rien en l’air, à l’endroit où se trouvait son front quelques secondes auparavant. Ses yeux suivirent la trajectoire probable : elle était là, face au mur, tremblant à chaque minuscule avancée. Une fois le champ libre, elle avait parcouru la moitié du chemin menant au mur, puis la moitié de la moitié, et ainsi de suite.

— Planque-toi, bordel ! Tu veux te faire buter ?

Quelqu’un le soulevait par les aisselles, le tirait en arrière. Curieux pas de danse. Fabre perdit la balle de vue ; il n’eut pas l’occasion de revenir s’assurer de son sort : le lendemain, l’armée française quittait Quetta.

*

Fabre flottait en douceur dans la Méditerranée ; ses jambes remuaient juste assez pour le maintenir hors de l’eau.

Octobre, fin de saison en Crête. Encore trop de monde. De vieux Allemands en mal de chaleur, des familles, de rares jeunes égarés par-delà les frontières de l’été.

Le soleil touchait l’horizon. Fabre s’était éloigné de la plage, mais nul besoin de tourner la tête pour se savoir le seul baigneur. Lampes et guirlandes commençaient à illuminer les façades des restaurants : c’était le signe qu’il fallait rentrer à l’hôtel prendre une douche avant d’attaquer l’apéro.

De gros projecteurs scellés dans la roche partaient quant à eux à l’assaut de la falaise nord. Ils éclairaient les tombes troglodytes abandonnées par les Romains, cinq étages d’ouvertures rectangulaires qui s’enfonçaient progressivement dans la mer au fil des siècles et des séismes.

Fabre avait lâché l’armée depuis six mois ; il avait déjà lâché les classes prépas dix ans plus tôt, puis la fac deux ans après. La vie militaire lui était alors apparue comme la solution idéale à ses problèmes : ce n’était plus à lui de résoudre les équations à n inconnues, d’autres s’en chargeaient à sa place. Les ordres remplaçaient les variables.

Puis Lionel Fabre était mort. Enfin il aurait dû. Mais la balle n’était pas arrivée. Tentait-elle encore de pénétrer dans le mur, ou avait-elle fini par tomber, faute de volonté et d’énergie cinétique ?

La guerre au Pakistan suivait son cours. Aux dernières nouvelles, Quetta était toujours aux mains des indépendantistes baloutches armés par les Chinois. La géopolitique obéissait à des théorèmes indémontrables.

Au sud de la plage, un autre mur – si loin de Quetta – portait l’inscription « Today is life, tomorrow never comes ». Message laissé par les hippies des années 70, sans cesse repeint, devenu l’un des symboles du village de Matala. À l’époque, les tombes romaines servaient de dortoir aux jeunes voyageurs épris de liberté, on y croisait Bob Dylan ou Cat Stevens, on fumait, on baisait.

Aujourd’hui, les touristes venus en charter exposaient leurs jambes trop pâles et s’approvisionnaient au Carrefour planté derrière le parking. S’ils voyaient ça, les anciens Romains se plaindraient-ils des outrages infligés à leurs tombeaux ? Non. Si Dylan revenait, cracherait-il sur la société de consommation qui avait mangé son bout de paradis ? Non plus. Tous se pâmeraient sur les cuisses des jolies filles en pleurant leur vie envolée – Dylan n’était pas cliniquement mort, mais vu ses idées et sa production récentes, c’était pareil.

Le corps de Lionel Fabre flottait, flottait. Today is life, tomorrow never comes. Des lendemains, il en avait déjà tellement volé depuis le reflet dans la lunette du sniper.

*

Le prof avait appelé Fanny Dauzats au tableau. Lionel ressentait physiquement l’absence de la jeune femme à ses côtés, l’air soudain plus froid. À bien y réfléchir, Fanny se retrouvait au tableau plus souvent qu’à son tour. Les profs se consolaient à leur manière d’être vieux.

— Alors, mademoiselle ? Ne vous laissez pas impressionner. En ce qui concerne les mathématiques, vous en savez plus que n’importe quel philosophe d’avant notre ère.

Fanny leva la craie, puis la rabaissa, comme si elle avait peur d’écrire de simples chiffres près des grands mots de Zénon. Lionel jeta un coup d’œil au cahier abandonné : elle avait gribouillé les premiers termes d’une somme qui formalisait le problème et le résolvait par la même occasion.

Fanny prit une profonde inspiration qui lui souleva la poitrine – regard trop bas du prof – et traça d’une écriture appliquée : 1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 + 1/32 + 1/64 + …

— Très bien, mademoiselle, ça suffit. Que représentent ces nombres ?

— Les moitiés de parcours effectuées successivement par la flèche, si l’on considère que la distance totale vaut 1.

— Et donc ?

— Nous obtenons une série géométrique de raison 1/2, qui converge vers 1. Donc la flèche arrive à destination.

— Excellent. D’ailleurs, vous avez dû remarquer que votre craie a fini elle aussi par toucher le tableau, même s’il lui a fallu un certain temps. Merci, mademoiselle.

Fanny rougit jusqu’aux oreilles et reposa le bout de craie juste un peu trop fort. Lionel lui sourit lorsqu’elle regagna sa place, mais elle fit semblant de ne rien voir. Cible manquée. Il avait dû mal viser.

*

Soleil rouge sang. Fabre ignorait le nom de cette île, posée droit devant sur l’horizon. À quelle distance de la plage ? Difficile à dire : la mer immobile jouait avec les sens et donnait une fausse impression de proximité. Quelques centaines de mètres ? Non, bien plus. Trop pour un nageur amateur.

Mais de toute façon, la question ne se posait pas. Même un champion ne parviendrait pas à poser le pied sur l’île, car il lui faudrait d’abord parcourir la moitié du chemin, puis la moitié de la moitié, et il finirait par se noyer, épuisé, à quelques centimètres de la rive.

Soleil disparu. Le bar au-dessus de Today is life ouvrit la soirée sur un tube de Bob Marley. Entre les deux Bob, Dylan et Marley, il y en avait un qui s’était souvenu de partir à temps.

Fabre frissonna. Non parce que l’eau refroidissait, mais parce que chaque sifflement aigu – certaines notes de guitare par exemple – lui rappelait le bruit de la balle tirée à Quetta, celle qui aurait dû lui exploser la tête. Le projectile ignorant s’était laissé tromper par Zénon ; quelqu’un, depuis, avait dû lui parler des séries géométriques et l’inciter à pourchasser sa victime sur tous les continents.

L’île était peut-être un refuge. Du moins une preuve. S’il l’atteignait, alors la balle l’avait aussi atteint, lui, et il était déjà mort – ce qui expliquerait pas mal de choses. S’il échouait, les mathématiques s’effondraient et le monde avec elles. Le paradoxe de Fabre.

Lancer un bras, lancer l’autre, battre des jambes. La nuit tombante noircissait les flots ; l’île n’était plus qu’une silhouette grise, un mirage prêt à se dissoudre.

D’abord la moitié, puis la moitié de la moitié, et ainsi de suite.

À quoi bon vivre si Bob Dylan est mort ?

Plage de Matala, 2012

Trop ou trop peu

Cette nouvelle « préparatoire » au volet égyptien de mon roman La révolte d’Albi est parue en octobre 2012 dans l’anthologie « Eaux d’ici, eaux de là » (Presses de l’ENSTA). Je vous la livre ici, en espérant vous donner envie de lire le roman…

***

Fawaz trouva comme d’habitude l’ordre de mission posé dans son fauteuil. L’enveloppe aux armes de l’aviation égyptienne ne contenait qu’une feuille précisant l’objectif et l’heure de l’attaque, suivis de la signature alambiquée du général. Les autres informations attendaient sagement dans l’ordinateur de vol – cette lettre était un fétiche aussi inutile qu’indispensable, l’équivalent des foulards accrochés autrefois par les demoiselles énamourées aux lances des chevaliers occidentaux.

Le jeune pilote ôta sa chemise et s’installa dans l’immense fauteuil de contrôle. Une fois bien en place, il pressa le bouton d’amorce: le casque lui engloutit la tête, capteurs sur le torse et commandes sous les doigts. L’image familière du hangar se dessina peu à peu devant lui, derrière une colonne de données géographiques qu’il parcourut à toute allure.

Destination Ouganda, barrage de Rhino Camp. Ce même barrage dont la glorieuse armée égyptienne avait rasé les fondations l’année précédente, et celle d’avant, et encore celle d’avant. Les Ougandais voulaient l’eau du Nil Blanc; alliés aux Burundais, aux Kényans et aux Rwandais, ils n’y renonceraient pas et ils avaient bien raison. Mais l’avis de Fawaz n’intéressait personne. Seul comptait l’ordre de mission.

Le pilote opérait depuis une base souterraine située à Alexandrie, sous le cimetière Amoud el-Sawary, mais le chasseur furtif attendait sagement dans un hangar de la banlieue cairote. Porteur de mort caché sous dix mille cadavres, Fawaz lançait le feu destructeur sans prendre le moindre risque, mis à part une violente secousse si son appareil était détruit en vol.

Quand le chasseur décolla, la vision augmentée du pilote passa en infrarouge. Le Caire se dévoila sous forme d’une étendue violacée, scintillante, coupée en deux par l’ondulation verte du Nil. Fawaz avait établi une série de réglages qui donnait toujours cette couleur au grand fleuve, quelles que soient l’heure ou les conditions de vol. Vert comme la terre d’Égypte quand le Nil l’abreuvait, vert comme les oasis au cœur du désert.

À cette altitude, une fois passés les derniers tentacules cairotes, il devenait évident que la vie n’existait qu’au bord du Nil. Le sillon vert serpentait entre deux lignes rougeoyantes indiquant l’enfilade interminable de villes et de villages, le tout enserré à l’est et à l’ouest par un océan noir où ne surnageaient que de rares îlots lumineux.

Fawaz suivait du coin de l’œil le défilement des latitudes, mais n’en avait pas besoin – il avait suivi ce tracé à maintes reprises, assez pour mémoriser chaque courbe du fleuve, reconnaître telle ou telle ville au contour de la tache irradiée à l’écran.

Un signal sonore l’avertit de son entrée au Soudan; certaines couleurs se modifièrent en fonction des installations militaires connues ou supposées. Sauf erreur, rien à craindre. Les fils du Nil dormaient du sommeil du juste, ou du naïf, indifférents à l’insecte métallique qui les survolait sans bruit.

Fawaz piqua juste après la frontière ougandaise; Rhino Camp ne s’était pas vidé de ses réfugiés après la partition du Soudan, loin de là, surtout depuis que le projet de barrage nécessitait la présence de main d’œuvre bon marché. Tant que l’Ouganda s’obstinerait à construire, et l’Égypte à détruire, il y aurait du travail à la pelle.

Les deux missiles dessinèrent des courbes jaune pâle qui épousèrent harmonieusement trois kilomètres de Nil avant de frapper leur cible. L’explosion emporta une nouvelle fois les espoirs de tout un pays; le nombre des victimes collatérales s’établissait d’ordinaire à une petite centaine.

*

L’ascenseur débouchait au rez-de-chaussée d’un immeuble occupé par un point d’information de l’armée de terre. Quelqu’un avait trouvé subtil de dissimuler l’entrée d’une installation ultra-secrète non pas dans une base officielle, mais dans un bâtiment militaire affreusement banal, en pleine ville, que les badauds regardaient à peine en passant dans la rue. L’idée n’était pas mauvaise. En tout cas, pour l’instant, ça marchait. Le plus dur avait dû être de convaincre l’état-major terrestre de se laisser envahir par les aviateurs.

L’aube pointait quand Fawaz déboucha au croisement de Sharia Sherif, au nord du cimetière. Un char d’assaut gardait le carrefour; il salua ses deux camarades assis sur la tourelle, les yeux rougis par leur nuit blanche.

Le premier tramway n’allait pas tarder, mais Fawaz préférait marcher. De toute façon, la ligne s’arrêtait juste après la gare de Misr, à même pas deux kilomètres. Au-delà, les rails continuaient sur quelques centaines de mètres, puis plongeaient dans la mer.

Une fois devant la gare, le jeune pilote bifurqua dans al-Nabi Daniel et s’arrêta une minute à l’intersection de Tariq al-Horreyya.

L’épicentre.

Des femmes y traînaient déjà leurs enfants braillards sous les yeux d’hommes fumant la chicha aux tables des cafés; bientôt les taxis klaxonneraient, les bus klaxonneraient, les voitures klaxonneraient. Rien ne différenciait ce carrefour de ses frères émergés – là-bas, deux kilomètres à l’est, Tariq al-Horreyya se jetait dans la Méditerranée.

Mais Alexandre le Grand s’était tenu ici, devant ses architectes, lorsqu’il avait fondé la ville. Imaginant la cité de ses rêves avec une âme de général, il avait tracé deux grandes routes perpendiculaires, la voie Canope et la rue du Soma, qui permettaient de se rendre le plus vite possible d’un lieu à un autre. Alexandre avait tout imaginé depuis ce point névralgique – la mer au nord, le lac Mariout au sud, la porte du Soleil à l’est et celle de la Lune à l’ouest. Une perfection digne du maître du monde.

D’anciens écrits prétendaient que la craie avait manqué au moment de tracer sur le sol l’intégralité du plan, et qu’on avait paré à ce léger souci en confisquant la farine destinée à la nourriture des ouvriers. Les prêtres y avaient même vu un bon présage: étrangement, quelle que soit l’époque, voler les pauvres apparaissait toujours comme la bonne solution, l’ordre naturel des choses.

Fawaz aimait passer ici le plus souvent possible. En journée, difficile de s’attarder au carrefour envahi de véhicules et de piétons – à croire que l’engloutissement d’une bonne partie de la ville n’avait pas fait près d’un million de morts, et que tous les Alexandrins menacés avaient eu le temps de se réfugier ici, dans une zone déjà surpeuplée. Fawaz s’installait dans un café au bout d’une ruelle débouchant sur al-Nabi Daniel; tout en sirotant son thé gorgée par gorgée, il ôtait ses grosses chaussures militaires et posait les pieds bien à plat par terre, pour sentir vibrer les forces telluriques générées par les mânes d’Alexandre et des bâtisseurs de la cité. Parfois, il avait l’impression que le sous-sol ne vibrait pas, mais flottait: Fawaz restait alors pétrifié de longues minutes, persuadé que la Méditerranée avait sournoisement miné les fondations d’Alexandrie et s’apprêtait à l’avaler d’un coup avant de pousser un monstrueux rot qui grimperait jusqu’aux étoiles.

Mais aujourd’hui, Fawaz était fatigué et ne pensait qu’à dormir; son sommeil était un paradis où, curieusement, les morts qu’il alignait à chaque mission ne revenaient pas le hanter. À croire qu’il n’était un bon soldat que dans son lit ou dans le fauteuil de contrôle – debout, il n’aimait pas tuer.

La grande ligne droite de Tariq al-Horreyya s’interrompait juste après la fac de sciences, dont certains bâtiments avaient été réquisitionnés par l’administration de ce que l’on appelait maintenant le port d’Ibrahimiyya. Fawaz se dirigea vers le quai militaire pour y récupérer sa petite barque à moteur.

Le quartier de Smouha faisait partie de cette immense zone de 700 km2 envahie par la mer six mois plus tôt, le temps d’une immense vague qui avait renversé le mur dressé par Méhémet Ali Pacha. La barrière érigée début XIXe avait tenu plus de deux siècles, une éternité pour la population locale qui l’avait crue éternelle, invincible, jusqu’au jour où l’eau avait repris possession du territoire dérobé par un souverain trop orgueilleux.

Vu son accréditation spéciale, Fawaz était prioritaire pour accéder à un logement en zone sécurisée, mais il tenait à rester dans son île-immeuble malgré l’électricité erratique et les problèmes d’hygiène. Depuis la catastrophe, il avait lu des dizaines, des centaines d’articles qui cherchaient à expliquer pourquoi tel édifice s’était écroulé et pas tel autre. Année de construction, matériaux utilisés, état des fondations et du sous-sol, angle d’incidence de la vague, protection des bâtiments voisins: autant de justifications d’un haut niveau scientifique, sans doute parfaitement valables. Mais celui qui regardait une carte ou une photo aérienne ne pouvait s’empêcher de penser qu’un dieu joueur avait lancé un dé pour chaque bâtisse, une fraction de seconde avant que l’eau frappe. Comme l’œil ne saisissait aucun schéma d’ensemble, impossible de se rassurer en se disant « oui, je suis vivant parce que j’étais ici et pas là ». Les angles d’incidence ne parlaient pas à l’homme-animal ébahi de ne pas avoir succombé aux assauts de la nature.

L’immeuble de Fawaz avait résisté, mais le soldat aurait survécu même dans le cas contraire: quand la vague avait avalé Smouha, il se trouvait dans son fauteuil de contrôle, les yeux en Ouganda, en train de tuer des inconnus.

La Méditerranée étincelait sous les feux du soleil levant. Smouha n’était qu’à cinq minutes de barque, mais Fawaz allait comme d’habitude rallonger le parcours en improvisant un circuit compliqué. Il rêvait de filer droit devant, vers le soleil: rejoindre Aboukir et le chantier titanesque dédié à la construction du nouveau mur. Peut-être, en y allant au culot, réussirait-il à convaincre les sentinelles de le laisser franchir l’écluse provisoire.

Quand il s’enterrait sous le cimetière el-Sawary, Fawaz cherchait à amener l’eau vers l’Égypte en prolongeant, les armes à la main, le traité de 1959 accordant à son pays une portion ahurissante du précieux liquide issu du bassin nilotique. Mais quand il quittait la base et rentrait chez lui, il voguait sur une eau en surplus, qui n’aurait pas dû être là.

Trop ou trop peu.

À choisir, autant foncer tête baissée vers la Méditerranée, emmener la barque au loin jusqu’à ce que le moteur rende l’âme faute de carburant, et attendre qu’on fasse le choix pour lui. Si la mer le voulait, qu’elle le prenne; si le Nil et l’armée exigeaient sa présence, qu’ils viennent le chercher. Fawaz se plierait à leur décision. Il en avait assez, chaque matin, d’interroger le reflet dans la glace.

La barque dépassa les îles-immeubles de Smouha et fila vers Kafr Abdou. Posée sur la barre, la main droite de Fawaz refusait de virer. Il leva donc la gauche pour se protéger du soleil et négocier les innombrables récifs bétonnés qui le séparaient encore du grand large.

La révolte d’Albi

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Après une bourse du CNL, un voyage en Égypte en plein cœur de la révolution de 2011, et des tas de rencontres ici et ailleurs, voici mon 4ème livre et 1er roman : un récit d’anticipation à court terme, à cheval sur la France et l’Égypte, entre Albi et Alexandrie, qui évoque le problème des réfugiés climatiques – problème qui va nous tomber dessus d’autant plus vite et fort qu’on s’obstine à le balayer sous le tapis. En attendant le désastre, bonne lecture!

 

XIXe siècle : Méhémet Ali Pacha, alors vice-roi d’Égypte, érige un mur gigantesque à Aboukir, près d’Alexandrie, qui lui permet de gagner 700 km2 de terres sur la Méditerranée.

2029 : En France, des émeutes en passe de tourner à la guerre civile conduisent à l’instauration du revenu universel.

2055 : Le mur d’Aboukir, que les Égyptiens pensaient invincible, cède à la pression d’une mer de plus en plus haute. La Méditerranée déferle sur Alexandrie, bâtie en grande partie sous le niveau de la mer; la catastrophe fait plus d’un million de victimes.

2056 : En échange du colossal marché de reconstruction de la ville –et de son phare hautement symbolique–, la France accepte d’héberger sur son sol 200 000 réfugiés climatiques alexandrins pour une période allant de trois à cinq ans. Albi est la première ville à accueillir des Égyptiens; la cité tarnaise, marquée par la violence religieuse au XIIIe siècle lors de l’écrasement de l’hérésie cathare, devient un symbole fort de la solidarité face à ce nouvel enjeu mondial.

2059 : Les entreprises françaises ont fini de rebâtir le phare mythique, mais sont très en retard sur la livraison des quartiers d’habitation. Malgré cela, un premier tiers des réfugiés climatiques est invité à quitter le territoire français, à Albi comme ailleurs… Des deux côtés de la Méditerranée, trois ans d’espoirs déçus macèrent dans une chaleur toujours plus oppressante, jusqu’au point de non-retour.

La Révolte d’Albi suit le destin de quatre hommes ballotés au gré d’enjeux qui les dépassent. Ahmed, le conteur alexandrin, quitte sa ville ravagée sans savoir ce qu’il va trouver en France. À Albi, Renaud gère seul une radio militante basée dans son salon; son fils, Robinson, est parti travailler à Alexandrie sur le chantier de reconstruction. Le jeune Fathi, lui, étouffe dans son oasis berbère perdue au cœur du désert égyptien et rêve d’une Alexandrie certes meurtrie, mais qui lui permettrait d’être enfin libre.

Au bout de la révolte, personne n’en sortira indemne.

La petite traductrice

Cette nouvelle a obtenu le Prix Agostino 2013 décerné par le festival Quais du Polar de Lyon, en partenariat avec le festival Justice/Injustice de l’Opéra national de Lyon (qui l’a éditée en plaquette). Plus d’infos sur le site de Quais du Polar. On notera aussi un début de lecture par deux comédiens sur le Facebook de l’Opéra de Lyon, ici.

*

La petite traductrice

Ce matin, la petite traductrice sèche les cours.

Son père appelle l’école pour dire qu’elle sera absente, et quand il a du mal à comprendre le monsieur au téléphone, elle lui souffle des phrases qu’il répète aussi distinctement que possible.

Ils arrivent à la préfecture quinze minutes après l’ouverture. Le retard, ici, personne ne le réprimande. Cela signifie juste que le ticket numéroté vomi par la machine indique vingt-cinq personnes avant vous, et qu’il faut espérer passer avant la fermeture des bureaux à midi. Sous peine de devoir rappeler l’école le lendemain.

La petite traductrice laisse ses parents s’asseoir sur les derniers sièges libres, chacun d’un côté du hall d’accueil. Le guichet des étrangers fait partie d’un demi-cercle de vitrines où l’on distribue aussi des papiers pour les voitures ou pour les gens qui peuvent en conduire une. Obtenir des papiers semble assez simple quand on est une voiture.

Chaque guichet a sa propre série de tickets. Quand le bip retentit, il faut vérifier si c’est sa « file » qui avance, et se précipiter quand sort le bon numéro : les employés n’attendent pas les distraits, ils les considèrent comme partis, lassés de trop attendre.

La pendule au-dessus de la porte prétend qu’il est déjà onze heures, mais passé un instant de panique, la petite traductrice se rend compte qu’il s’agit encore de l’heure d’été, obsolète depuis deux semaines. Elle file le montrer à son père pour qu’il ne s’inquiète pas.

— Elle a raison, la gamine ! s’exclame un Français en remarquant son geste. Tu m’étonnes qu’on attende autant, ils n’ont même pas quelqu’un pour mettre les horloges à l’heure !

Patienter. Déchiffrer les affiches qui parlent de développement durable et d’économies d’énergie. Une femme téléphone bruyamment à son employeur pour dire qu’elle sera plus en retard que prévu ; une Asiatique de trois ou quatre ans, engoncée dans une doudoune violette, s’amuse à pousser un garçon noir du même âge qui la regarde avec de grands yeux écarquillés.

Bip. Voilà, c’est le bon.

L’employée parle à ses parents, mais c’est la petite traductrice qui comprend, trente centimètres plus bas ; elle tient la main de son père, appuie une fois quand il doit dire oui et deux fois quand il doit dire non. Même si de nombreux mots restent obscurs – ceux que l’on n’apprend pas à l’école –, le sens général n’est jamais difficile à comprendre. Pour ce dossier-là, il faut passer dans un bureau. Attendre encore.

Midi à la pendule, onze heures en vrai. Pour le bureau, pas de numéro : il faut se renseigner, repérer qui doit passer juste avant soi, se planter devant la porte.

Là-dedans ils sont deux, assis derrière un bureau individuel. Le plus jeune, en costume, la petite traductrice ne l’a jamais vu. Les nouvelles instructions venues de Paris sont-elles si dures à comprendre ? Les fonctionnaires habituels ont-ils eux aussi besoin d’un traducteur ?

Elle s’assied près de son père tandis que sa mère reste debout, appuyée contre un placard. L’homme en costume pose la première question ; la petite traductrice laisse son père bredouiller quelques mots, puis répond à sa place.

— Trois ans, monsieur. Nous sommes en France depuis trois ans.

Échange de regards. Il a compris, mais demande quand même. Les adultes de bureau ne peuvent pas s’empêcher de demander ce qu’ils savent déjà.

— Tes parents ne parlent pas français ?

— Pas très bien.

— Et toi, tu es scolarisée ?

Évidemment, sinon elle ne parlerait pas la langue. Mais c’est un adulte de bureau.

— Oui.

— Depuis combien de temps ?

— Deux ans.

— Tu es en quelle classe ?

— CM2.

— Ça se passe bien ?

— Oui.

— C’est quoi, votre nom de famille ? interroge l’autre homme, plus âgé.

La petite traductrice répond. Il pianote sur l’ordinateur, fronce les sourcils.

— C’est bizarre, je ne trouve pas. Tu écris ça comment ?

La petite traductrice épelle. Lui dit qu’il peut essayer comme ci ou comme ça, au cas où.

— Non, j’ai vraiment rien. Enfin c’est pas grave.

Rester calme. Ne pas bouger. Ne pas lui faire remarquer que s’il leur avait donné un dossier, la dernière fois, ou celle d’avant, l’ordinateur saurait quelque chose. Les adultes n’acceptent pas que les enfants les contredisent. Et les adultes qui ont plus de pouvoir que d’autres n’acceptent ça de personne.

— Je vois, reprend le jeune. Tes parents ont reçu une OQTF ? Une Obligation de quitter le territoire français ?

— Oui.

Soupir.

— Dans ce cas, ils sont conscients qu’ils doivent rentrer dans leur pays. Leur situation ne répond pas aux critères de régularisation de la nouvelle circulaire. Il n’y a rien à faire.

— Donnez-moi le dossier quand même.

Les deux hommes se penchent vers elle, comme s’ils n’étaient pas sûrs d’avoir bien entendu.

— On vient de te dire qu’il n’y a rien à faire, dit le plus vieux.

— C’est pas vous qui décidez. C’est le préfet.

Des mots sortis tout seuls. Parce que vrais. Parce que son père, si grand, si fort, se met à trembler dès qu’on lui parle de rentrer chez lui, où l’attendent des méchants plus grands et plus forts.

Le vieux marmonne un truc incompréhensible et retourne à son écran qui ne sait rien. Le jeune reste bouche bée. Chef, mais jeune. La première fois qu’il parle papiers avec une enfant ? Et c’est à lui de choisir.

La petite traductrice s’avance, tend la main. Elle sourit. On ne refuse rien à une fillette qui demande un bonbon.

— Un dossier, monsieur. S’il vous plaît.

Secondes figées qui s’alignent. Puis, lentement, l’homme sort une liasse de feuilles du tiroir. Le vieux lève les yeux au ciel.

Elle referme ses doigts sur le dossier, mais l’autre ne le lâche pas tout de suite.

— Tu sais que ça ne servira à rien, on est d’accord ?

Non, la petite traductrice ne sait pas. Ce n’est qu’une enfant qui apprend chaque jour des mots bizarres. Ce matin, elle n’est pas allée à l’école. Elle est restée avec ses parents. Elle a joué à un drôle de jeu, et elle a gagné. Cette fois.

— Merci, monsieur.

concours (de nouvelles) ENSTA Paris Tech

Virez le Claudio par la porte, il reviendra par la fenêtre… Lorsque j’étais un piètre étudiant en prépas scientifiques, il ne me serait jamais venu à l’idée de fouler un jour le prestigieux campus de Polytechnique. C’est pourtant là que je me suis rendu jeudi 28 mars – plus précisément dans les locaux de l’ENSTA Paris Tech – afin de recevoir le 2ème Prix grand public et le Prix coup de cœur des éditions des Équateurs pour ma nouvelle « La balle n’est pas arrivée, mais Bob Dylan est mort », dans le cadre du concours Nouvelles Avancées organisé par l’école susmentionnée.

 ENSTA

Sur cette photo, j’ai l’air d’écouter attentivement ma collègue, l’écrivain Céline Curiol, mais en fait je ne pense qu’au chèque qui se trouve dans l’enveloppe blanche à hauteur de mon coude gauche…

J’adore ce concours de nouvelles, où j’avais déjà fini 4ème l’an dernier, car c’est un jury mixte scientifiques/littéraires qui juge les textes. Ledit jury était présidé cette année par Cédric Villani, médaille Fields 2010 – l’équivalent du prix Nobel de mathématiques qui n’existe pas (Alfred Nobel ayant été, selon la légende, cocufié par un mathématicien).

Quant à ma nouvelle, elle parle d’un sniper au Pakistan, d’une plage crétoise, de Zénon d’Élée et bien sûr de Bob Dylan. Elle devrait bientôt être en ligne sur le site de Sciences et Avenir : je vous ferai signe en temps utiles.

Toutes mes traductions

Traducteur littéraire français/anglais depuis 2008, je présente ici la liste exhaustive de mes traductions diverses et variées.

*** Romans :

Tempêtes sur l’horizon, de Kevin J. Anderson (Éditions Bragelonne, 2009) titre original : Horizon Storms (2004)

Ombres et flammes, de Kevin J. Anderson (Bragelonne, 2010) titre original : Of Fire and Night (2006)

Les Murs de l’Univers, de Paul Melko (Bragelonne, 2011) titre original : The Walls of the Universe (2009)

Mondes en cendres, de Kevin J. Anderson (Bragelonne, 2011) titre original : The Ashes of Worlds (2008)

Le Voleur quantique, de Hannu Rajaniemi (Bragelonne, 2013) titre original : The Quantum Thief (2010)

Le Voyageur, de James Scythe (Bragelonne, 2014) titre original : The Quantum Thief (2012)

La Marche des dix mille, de Michael Curtis Ford (Panini Books / Eclipse, 2014) titre original : The Ten Thousand (2001)

Zodiac Station, de Tom Harper (Bragelonne Thriller, 2015) titre original : Zodiac Station (2014)

Existence, de David Brin (Bragelonne, 2016) titre original : Existence (2012)

Invasion, de D. Nolan Clark (Bragelonne, 2018) titre original : Forsaken Skies (2016)

Exploration, de D. Nolan Clark (Bragelonne, 2019) titre original : Forgotten Worlds (2017)

Thin Air, de Richard Morgan (Bragelonne, 2020) titre original : Thin Air (2018)

Market Forces, de Richard Morgan (Bragelonne, 2021) titre original : Market Forces (2004)

Mexican Gothic, de Sylvia Moreno-Garcia (Bragelonne, 2021) titre original : Mexican Gothic (2020)

à paraître :

Camp Zéro, de Michelle Min Sterling (Bragelonne, 2023) titre original : Camp Zero (2023)

Le Ministère du futur, de Kim Stanley Robinson (Bragelonne, 2023) titre original : The Ministry for the Future (2020)

*** Nouvelles :

Les Réfugiés, de Gwyneth Jones (in Le Nouveau Space Opera, Bragelonne, 2009) titre original : Saving Tiamaat (2007)

Mouvement perpétuel, de L. Sprague de Camp (in La Saga de Zei, Bragelonne, 2009) titre original : Perpetual motion (1950)

Le propriétaire, de Michael Marshall Smith (in Ténèbres, Éd. Dreampress.com, 2009) titre original : The owner (1992)

Ombre Blanche, de Clemence Housman (in Ombre Blanche, Le Pré aux Clercs, 2011) titre original : The Were-Wolf (1896)

La Mer inconnue, de Clemence Housman (in Ombre Blanche, Le Pré aux Clercs, 2011) titre original : The Unknown Sea (1898)

*** Ouvrages culturels et de loisirs :

Compassion – inspirations et paroles du Dalaï-lama (Éditions Acropole, 2008, réédition in Paroles de sagesse, Éditions La Martinière, 2011)

Kama Sutra à la carte, Lola Rawlins (Éditions Hors Collection, 2008)

Je t’aime pour ce que tu es, Bradley Trevor Greive (Hors Collection, 2009)

500 questions pour révéler votre personnalité, Robin Westen (Hors Collection, 2009)

Robert Pattinson – la biographie, Virginia Blackburn (Hors Collection, 2009)

Grace Kelly – un hommage photographique, Suzanne Lander (Hors Collection, 2009)

100 Conseils pour les hommes, les vrais !, Brett Cohen (Hors Collection, 2010)

Steve McQueen – un hommage photographique , Lisa Purcell (Hors Collection, 2010)

Johnny Depp – un hommage photographique, Jen Derengowski (Hors Collection, 2010)

Brigitte Bardot – un hommage photographique, Suzanne Lander (Hors Collection, 2011)

Leonardo DiCaprio – un hommage photographique, Rebecca Axelrad (Hors Collection, 2011)

Sean Connery – un hommage photographique, de Aaron Smyth (Hors Collection, 2012)

Nelson Mandela – une vie en mots et en images (Michel Lafon, 2013)

Calvin et Hobbes – l’intégrale, de Bill Waterson (traduction partielle, Hors Collection, 2013)

Un cœur indompté (carnets de prison et correspondances), de Winnie Madikizela-Mandela (Michel Lafon, 2014)

Toutes mes nouvelles (ou presque)

On retrouve ici mes textes publiés individuellement en anthologie ou en revue. Un petit bout de chemin parcouru depuis l’an 2000… Mise à jour au fur et à mesure des parutions.

*** Nouvelles publiées en anthologies :

Le Retour des Dieux (anthologie « Hyperfuturs », Éditions Galaxies, 2000)

La Guerre de l’Oubli (anthologie « Il était une Fée », Éditions Oxymore, 2000)

De Larmes et de Griffes (anthologie « Douces ou Cruelles ? », Ed. Fleuve Noir, 2001)

Musiques des Morts (anthologie « Territoire de l’Angoisse », Éditions Cylibris, 2001)

La Pécheresse (anthologie « Lilith et ses soeurs », Oxymore, 2001)

La Reddition de Paris (anthologie « Traverses », Oxymore, 2002)

Les Cendres du Monde (anthologie « Chimères », Oxymore, 2003)

Le Jour où la Mer a souri (anthologie « Magie Verte », Oxymore, 2003)

Acqua Alta (anthologie « French Gothic », Éditions Les Belles Lettres, 2004)

Ces Ailes que je n’ai jamais eues (anthologie « Peter Pan », Éditions Mnemos, 2004)

Nulle part (anthologie « Appel d’air », Éditions Les Trois Souhaits, 2007)

La dernière charge des Fées Noires (anthologie « Identités », Éditions Glyphe, 2009)

La petite fille au mort (anthologie « Malpertuis I », Éditions Malpertuis, 2009)

Les dernières braises qui s’éteignent (anthologie « Les derniers jours d’Edgar Poe », Glyphe, 2009)

Trop ou trop peu (anthologie « Eaux d’ici, Eaux de là », Presses de l’ENSTA, 2012)

Bataille (anthologie « L’Amicale des jeteurs de sorts », Malpertuis, 2013)

Un jour par an (anthologie « Noëls d’hier et de demain », Argemmios, 2013)

La balle n’est pas arrivée, mais Bob Dylan est mort (anthologie « Hors-la-loi: quand la pomme ne tombe plus », Presses de l’ENSTA, 2013)

Digital Blues 4.0 (anthologie « Panique chez les taxons », Presses de l’ENSTA, 2014)

Dix pesos, pas un de plus (anthologie « Malpertuis VIII », Éditions Malpertuis, 2017)

Le smartphone de Bouddha (anthologie « Ténèbres 2018 », Éd. Dreampress.com, 2018)

Digital Blues (le nouveau monde) (anthologie « Transhumains et Post-humains », Éditions Arkuiris, 2019)

Le vœu des mille grues (anthologie « Repenser notre relation à la nature à l’heure de la sixième extinction », Éditions Autrement, 2019)

*** Nouvelles publiées en revues :

Les Mères (revue Emblèmes n°2 « Sortilèges », Oxymore, 2001)

Un Paysage de Rêve (revue Emblèmes n°4 « Rêves », Oxymore, 2001)

Le Dernier Phare dans la Noirceur (revue Bifrost n°27, 2002)

La Cité des Enfants (revue Bifrost n°29, 2003)

La Mort est une femme aux yeux violets (revue Emblèmes HS1, Oxymore, 2003)

Un Baiser, mon Amour ? (revue Elegy n°28, 2003)

Digital Blues (revue Galaxies n°35, 2004)

Celui qui te touche (revue Ténèbres, numéro hors série, 2007)

L’aube de la dernière guerre (revue Khimaira n°15, 2008)

Cendres de l’une (web-revue Onirismes #1, onirismes.com, 2011)

La porte sur le vide (revue Galaxies n°55, spécial « Regards sur l’Afrique », 2018)

La guérisseuse (aux rives prochaines) (revue Galaxies n°56, 2018)

*** Nouvelles publiées sur d’autres supports :

La petite traductrice (2013, plaquette éditée par l’Opéra national de Lyon, reprise dans l’édition du 2 mai 2013 de La Dépêche du Midi)

Le survivant (2014, sur le site de la librairie Bédéciné de Toulouse et sur le présent site)

Des vies mal pliées (2017, brochure éditée par la ville de Talange à l’occasion de la remise du prix Gaston Welter de la nouvelle 2016)

Le vœu des mille grues (2018, 1ère publication numérique dans le recueil « Repenser notre relation à la nature à l’heure de la sixième extinction » publié sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire)

Le Bar de Partout

Le Bar de PartoutMon troisième recueil, sorti en 2009 aux éditions Glyphe, sous la direction littéraire de Lucie Chenu. Douze nouvelles inédites, cette fois à tonalité réaliste, voire documentaire – si l’on excepte quelques morceaux de contes parsemés ça et là… La suite du compte-rendu des 1000 jours des 1001 nuits : le pendant des Contes du Vagabond, donc, et la preuve que la réalité s’obstine à dépasser la fiction. En fin d’ouvrage, un carnet de photos de mon compagnon de voyage, Philippe Dulauroy.

Sommaire:

Un début de soirée au Bar de Partout / En données ravagées des variations saisonnières / Quand j’étais une déesse / Le Regard de l’Oncle / La Ville des barrières / L’Odeur des barres de fer / Juste un banc pour m’asseoir / Le premier car d’une longue série / L’Homme des plaines sans fin / Comme une poussière parmi d’autres / Devant un soleil rouge / Les Dents acérées de mes rêves / Une fin de soirée au Bar de Partout